Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/350

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— « Non » mon pauvre ami, » reprit la comtesse en secouant sa tête blanchie, « ne vous faites pas de chimère et ne jugez pas ma fille d’après moi. Je n’ai ni à vous condamner, ni à vous absoudre. Je mentirais si je ne vous disais pas que vous me semblez bien coupable. Mais je vous ai trop senti souffrir pour ne pas croire que vous vous repentez d’abord, et puis que vous aimez Henriette. Qu’elle vous aime aussi avec une passion qui intéresse l’essence même de sa vie, je viens d’en avoir encore la preuve. C’est pour cela que je ne peux pas, si graves qu’aient été vos confidences, non, je ne peux pas prendre sur moi de rompre votre mariage… Par tout ce que vous m’avez dit, j’ai dû constater avec bien de la tristesse, je vous l’avoue encore, qu’en effet je ne vous connaissais pas tout entier. Si j’avais su ce que je sais, la veille du jour où vous m’avez demandé Henriette, je vous aurais répondu sans doute alors plus sévèrement qu’aujourd’hui, où ma pauvre fille vous a donné toute son âme avec une ardeur qu’elle ne soupçonne pas elle-même… Tout à l’heure, quand je la regardais en attendant le médecin, je l’ai trop compris, je l’ai trop vu… S’il y avait un devoir entre vous, » continua-t-elle après un silence, « je crois que cette douleur de ma fille ne m’empêcherait pas de vous dire à tous deux : il faut que ce devoir s’accomplisse, — et j’userais