Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/360

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de chagrin allait s’ouvrir. Que répondrait-elle ? Dans ses méditations de la nuit et de ce commencement de matinée sa volonté s’était fixée sur le seul parti qui pût lui permettre d’influencer cette âme malade. Elle s’était décidée à répondre simplement et franchement à toutes les questions que lui poserait la jeune fille. Elle ne les aurait pas provoquées, car les réponses allaient beaucoup lui coûter. Mais c’était son devoir de ne pas s’y dérober si elle voulait secourir avec efficacité cette créature si cruellement ébranlée.

— « Maman, » avait commencé Henriette, « vous n’avez pas cru, n’est-ce pas, que j’aie manqué à la délicatesse ?… Vous m’aviez laissée seule. J’ai eu peur de la conversation qui allait se tenir si près de moi, à cause de moi. J’ai voulu l’empêcher… Je suis allée jusqu’à la porte que j’ai ouverte sans frapper, comme toujours. Vous ne m’avez pas entendue, et alors il m’a été impossible d’avancer… Je tremblais tellement que je me suis appuyée contre le mur. Mes jambes étaient comme brisées… »

Elle avait de nouveau fermé les yeux, et sa bouche avait frémi au souvenir que cette scène évoquait en elle. La mère lui caressa ses blonds cheveux d’une main lente et douce, en lui disant :

— « Tu n’as pas besoin de te justifier. Je te connais trop bien pour avoir jamais pensé que tu avais cédé à un mouvement bas… Et puis, tu y