Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/363

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— « Elles ne peuvent pourtant pas s’aveugler au point de ne pas se rendre compte qu’il leur faudra mentir…, » répondit Henriette. « Et quand une femme aurait ces excuses que vous dites, est-ce qu’un homme les a ?… Mme Raffraye n’avait pas quitté son mari, n’est-ce pas ?… »

— « Non, » reprit la mère.

— « Et lui, » demanda la jeune fille à voix tout à fait basse, « est-ce qu’il connaissait ce mari ?… »

— « Il n’en a point parlé, » dit la mère, « mais c’est bien certain… »

— « Il allait chez lui ? Il lui donnait la main ? Il s’asseyait à sa table ?… »

— « Ne te torture pas à de pareilles imaginations, » reprit Mme Scilly, « tu sais qu’il a été très coupable, que cela te suffise. N’attache pas ton esprit à tous ces détails qui ne sauraient que te faire du mal en t’empêchant d’être charitable et d’être juste… »

— « Je ne peux pas, » s’écria la jeune fille avec un accent où se révélait la sombre ardeur de la passion la plus douloureuse. « Je ne peux pas. Je les vois trop… Je les vois se disant qu’ils s’aimaient… Je les vois… » Elle ferma les yeux avec un battement affolé de ses paupières. La seule image physique dont son innocence pût nourrir sa jalousie venait de s’offrir à sa pensée : celle de Francis embrassant Pauline, et elle répétait : « Il