Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/362

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— « Cependant, » reprit Henriette, « cette petite Adèle porte le nom d’un autre homme. Elle m’a parlé de lui, ce soir de Noël, quand elle m’a demandé si je croyais qu’elle le reconnaîtrait après la mort… Si cet homme vivait, il la croirait sa fille ?… »

— « Sans doute, » dit Mme Scilly.

— « Et la mère saurait que cet homme n’est pas le père de cette enfant, et elle ne le lui dirait pas ? Elle laisserait cet homme embrasser cette petite fille devant elle ? Quand l’enfant fait sa prière du soir maintenant, elle doit lui dire de prier pour son père, comme vous me disiez à moi de prier pour le mien ?… Elle n’a pas peur de Dieu qui sait tout… Quelle horrible femme !… »

— « Elle en souffre sans doute beaucoup, » répondit la comtesse, « comme elle souffrirait beaucoup de voir le mari qu’elle a trahi embrasser cette petite fille. Tu vois bien qu’elle n’est pas vraiment mauvaise, puisqu’elle a mené, depuis qu’elle est veuve et libre, une vie qui semble avoir été irréprochable. Si tu savais combien de malheureuses s’engagent sur le chemin de l’amour défendu avec un aveuglement qui leur vient de leur milieu, des fausses maximes de la société, d’une absence de religion, d’un mauvais exemple, des duretés de leur mari aussi ?… Et puis, quand elles ouvrent les yeux sur les conséquences de leur faiblesse, elles sont perdues, et c’est trop tard… »