Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/371

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aussi cruelle qu’inattendue n’eût atteint la vie de son enfant dans sa source profonde. Elle savait, pour avoir eu tant de peine à reconquérir un peu d’énergie lors de sa plus grande épreuve, que le chagrin tue quelquefois, d’une manière aussi lente, aussi sûre que le plus meurtrier poison. Puis la date elle-même augmentait sa mélancolie, cette fin d’année qu’elle s’était attendue à passer dans le rayonnement d’un bonheur qui lui manquait autant que le soleil, — car la pluie s’était mise à tomber, une de ces pluies comme il en tombe dans ces contrées de l’extrême Midi, une cataracte d’eau démesurée et intarissable. — Quel accompagnement que cette monotone rumeur de déluge aux impressions qu’infligeait à la mère inquiète la correspondance du jour de l’an qui commençait d’arriver ! C’étaient des lettres de leurs amies de Paris, toutes pleines de ces souhaits dont la simplicité n’est que banale lorsque nous nous trouvons les recevoir dans une situation d’esprit et de cœur ordinaire. Mais quand nous portons au dedans de nous une plaie cachée, ces vœux de félicité nous sont une ironie qui la fait si aisément saigner ! Ces lettres parlaient à Mme Scilly de la paix morale qu’assurait à sa convalescence la joie profonde des deux fiancés. Elles l’enviaient, ces lettres imprudentes, d’avoir pu donner à sa fille le cadre lumineux de ce tiède pays autour de ses saintes amours. Dans