Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/375

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sacrés où palpite toujours une âme de beauté ! Oui, comme elle avait aimé ce pays de lumière ! Comme elle l’avait aimé, parce qu’elle y aimait celui qu’elle s’était choisi pour compagnon de toute sa vie ! Et maintenant c’en était fait de ce bonheur. Elle eut alors, devant l’évidence du contraste entre ce passé si récent et ses chagrins actuels, un tel accès de tristesse que les larmes lui vinrent pour la première fois depuis ces deux cruelles journées, et, à travers ces larmes, toujours elle voyait la gracieuse statuette lui sourire et toujours elle respirait l’arome des caressantes fleurs, jusqu’à ce qu’elle repoussa le funeste cadeau en gémissant :

— « Ah ! cela fait trop mal ! C’est trop souffrir !… »

— « Pleure, mon enfant, » répondait Mme Scilly, « pleure et n’essaye pas de retenir tes larmes… Pleure sur toi, pleure sur lui, et tu le plaindras et tu lui pardonneras, et vous serez sauvés… »

En disant ces mots, la mère avait presque un éclair de joie sur son visage. Elle sentait qu’avec ces larmes l’affolement s’en allait de ce cœur noué d’une si cruelle contraction intime. La vie revenait, comme elle revient après une chute de cinquante pieds, quand l’homme, d’abord étourdi, hébété, comme tué de la secousse, recommence à se remuer ; le premier cri que lui arrache la