Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/380

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croyais, et quelle différence y a-t-il, en effet, entre croire et ne pas croire, entre avoir de la religion et n’en avoir pas, si cette religion ne nous sert de rien dans nos peines ? Lorsque tu dis le matin et le soir : « Notre Père, » que signifient pour toi ces mots, si tu ne penses pas que celui à qui tu parles ainsi s’occupe de toi avec une sollicitude égale à celle qu’aurait ton père, s’il vivait ? Quand tu dis : « Que votre volonté soit faite… » qu’est-ce que cela signifie encore, si tu te révoltes à la première épreuve, et si tu t’établis comme le juge de cette volonté divine ? Quand tu lis dans l’Évangile que tous les cheveux de notre tête sont comptés, quel sens attaches-tu à cette phrase, si tu n’admets pas que rien n’arrive qui n’ait été permis, pesé, ordonné là-haut ?… Je te disais de te laisser aller à pleurer tout à l’heure, et je te dis maintenant de te laisser aller à prier. Oui, prions ensemble pour que tu ne sentes plus jamais comme je viens de te voir sentir. Prions pour que tu comprennes de nouveau que la main de Dieu est dans tout cela… Elle est partout, et tu le sais bien. Prions pour qu’il te fasse la grâce de seulement t’en souvenir… »

En faisant ainsi appel aux sentiments religieux de sa fille, la comtesse manquait à un programme qu’elle s’était imposé depuis des années. La différence qui séparait leurs deux caractères ne s’était nulle part manifestée plus vivement que