Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/387

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que lui avait tenu sa mère, la jeune fille traduisit ce mot par cet autre : se résigner. Oui, se résigner, souffrir ce qu’elle souffrait courageusement, et offrir cette souffrance à Dieu comme payement de la dette contractée par Francis ! Durant les toutes premières heures qui suivirent sa conversation avec Mme Scilly, elle s’appliqua à n’écarter aucune des images qui lui faisaient le plus saigner le cœur, et chaque fois que le va-et-vient de son esprit lui rappelait un des épisodes de ces derniers jours plus particulièrement douloureux, elle s’efforçait de se le représenter avec détails au lieu de l’éviter. Elle s’enfonçait, elle se retournait cette pointe dans l’âme, et elle pensait : « Dieu me voit. Il sait comme j’ai mal. Il voit comme j’accepte, comme je bénis ce mal pour que j’efface ce que doit ce malheureux !… » Mentalement, elle faisait alors une prière, et c’étaient les minutes où elle souriait à la comtesse, de ce sourire de martyre dont cette tendre mère s’épouvanta aussitôt. Elle obtint de la sorte une espèce de détente nerveuse, et elle put dormir, pendant la nuit, de ce sommeil réparateur qui lui était refusé depuis qu’elle avait entendu la terrible confession de son fiancé. Lorsqu’elle se réveilla pour retrouver dans un sursaut de souffrance le sentiment exact de sa situation, elle se redit le même mot qu’elle s’était murmuré à elle-même la veille en s’endormant : « Expier ! Je dois expier pour lui !… » Mais soit que son cerveau