Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/388

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reposé fût plus capable d’aller jusqu’au terme de ses idées, soit que la nécessité de donner bientôt à sa mère une réponse positive lui apparût plus clairement, elle ne se contenta point d’interpréter d’une manière aussi confuse cette formule de son sacrifice… Expier ? Elle voulait expier ? Suffisait-il pour cela de souffrir ? En se contraignant, comme elle avait fait la veille, de penser aux épisodes qui avaient déterminé la crise actuelle, son imagination se figura avec plus de netteté les personnes qui s’y trouvaient associées, cette Mme Raffraye que Francis avait aimée et cette enfant qui était la leur. Elle vit cette femme avec la maigreur consumée de son visage, sa pâleur, la ligne émaciée de sa silhouette. Cette ancienne complice de son fiancé allait peut-être mourir, dans quelle solitude et dans quel désespoir ! Qui l’avait cependant réduite à cette extrémité de misère, sinon Francis, en la suppliciant comme il l’avait avoué lui-même, en l’abandonnant ensuite et refusant de croire qu’il était le père de la petite fille ? Et cette dernière, cette fragile et sensible créature, qui s’occuperait d’elle une fois orpheline ? À qui cependant incomberaient les responsabilités de son sort au cas où elle deviendrait entièrement malheureuse, sinon à Francis encore ? N’était-il pas son père ? Ne lui avait-il pas donné la vie dans des conditions qui l’engageaient vis-à-vis d’elle d’une manière d’autant plus étroite que la pauvre