Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/401

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rencontrer une place où s’arrêter et rêver longtemps. Autour de lui, et sitôt la voiture hors de la ville, toutes choses racontaient le drame formidable des éruptions anciennes et récentes. C’étaient de noirs écueils, bavure de lave vomie par la montagne jusque dans la mer, contre lesquels brisait monotonement la lame bleue. C’étaient des vallées où des aloès et des cactus colossaux poussaient, dans un amas de sombres rochers, fleuve de feu aujourd’hui refroidi en une coulée de scories démesurées et chaotiques. C’étaient des ceps de vigne gros comme de jeunes chênes et plantés dans des carrés de cendre noire. Et toujours ce sable et la lave, cette lave et le sable alternaient, attestant le travail ininterrompu du Mongibello, comme dit le patois des Siciliens demeuré à demi arabe. Sur ce sol de désastres, agité sans cesse par le frisson du tremblement de terre, une végétation violente d’orangers, de citronniers et de châtaigniers grandissait de toutes parts, des jardins fleurissaient, des villas blanchissaient, comme pour révéler la lutte obstinée de la vie contre la formidable et monstrueuse bouche de feu que le jeune homme apercevait, dans les jours clairs, toute chargée de fumée par-dessus l’immaculée blancheur des neiges. Durant des lieues et des lieues il allait ainsi, dispersant son âme dans ces horizons toujours convulsés, où il lisait l’œuvre séculaire des grandes puissances