Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/402

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irrésistibles de la nature, et, par une analogie à laquelle il s’abandonnait douloureusement, le tragique aspect de ce coin de terre lui représentait l’image gigantesque de ce qu’était en petit sa propre destinée. Comme sur ces jardins fleuris de roses, sur ces bosquets d’arbres chargés de fruits, sur ces villas claires, le fleuve de feu roule tout d’un coup, desséchant les plantes et les bois de sa brûlante haleine, noyant les maisons de sa masse liquide, étendant une nappe de lave stérile à la place où le travail humain rêvait de se faire un abri heureux et paisible, ainsi des abîmes d’un passé qu’il croyait à jamais éteint, un flot de sentiments destructeurs avait jailli, dévorant tout, dévastant l’oasis où il souhaitait de reposer sa fin de jeunesse ; et les déserts de roches sauvages où il se plaisait à s’égarer n’étaient pas plus désolés que l’avenir qu’il entrevoyait, si le funeste sort achevait son travail de ruine. Il trouvait, dans la sensation de cette étrange et presque surnaturelle correspondance entre ce pays et ses désastres de cœur, une volupté amère qu’il se plaisait à redoubler en s’enfonçant dans une solitude plus farouche encore. Il abandonnait la voiture et il marchait jusqu’à quelque point d’où il pût apercevoir la montagne à la fois et la ligne de la mer, et là, couché sur un des blocs lancés autrefois par le volcan, ayant autour de lui ce panorama de destruction, il songeait, songeait indéfiniment.