Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/418

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désormais levé, puisque notre mariage est définitivement rompu. Les autres le seront, je n’en veux pas douter, et ce jour-là je ne regretterai pas mes larmes. J’en ai pourtant pleuré beaucoup et de bien amères. Mais l’on donne sa vie pour sauver la vie de celui qu’on aime. Ne peut-on donner ses larmes avec une joie pareille, pour sauver ce qui est plus précieux que la vie qui passe si vite ? Et c’est à ce salut que j’ai voulu que ma douleur servît. Voilà pourquoi j’ai cru qu’il me fallait écrire mes pensées et mes sentiments dans toute leur vérité. Je remercie Dieu d’en avoir eu la force. »

« Henriette Scilly. »


Cette lettre naïve où la pauvre enfant avait mis tout ce qu’elle pouvait mettre de son cœur, ressemblait si peu à ce que Francis attendait, qu’il dut s’y reprendre à deux fois pour se convaincre, lui aussi, qu’il n’était pas le jouet d’un songe. Mais non. C’était bien l’écriture d’Henriette, c’étaient bien ses façons de parler un peu gauches et embarrassées quand elle avait une idée à exprimer qui lui coûtait un effort. C’était sa façon de sentir surtout, cette délicatesse souffrante qui la rendait si froissable aux moindres nuances. — Elle n’avait employé la troisième personne que pour éviter