Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/424

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bateau. Je ne peux pourtant pas, moi non plus, la contraindre à vous parler, et vous êtes trop honnête homme pour vouloir l’aborder en public et malgré elle… Écoutez, Francis, » continua-t-elle, « si j’ai vraiment été bonne pour vous comme vous me le disiez encore dans votre dernière lettre, si vous avez pour moi les sentiments de reconnaissance dont vous m’assuriez, c’est moi qui vous en supplie, laissez-nous partir sans tenter un effort pour la revoir, qui n’aboutirait qu’au plus inutile des scandales. Et j’ajoute au plus dangereux… Elle a été si souffrante ! Elle est encore si nerveuse ! — Ah ! Ne me la tuez pas, et pour rien, car je vous le jure, et j’ai le droit de vous demander de me croire, elle mourrait avant d’être revenue sur une volonté que le temps seul a quelque chance d’amollir… »

— « Mais, du moins, » reprit le jeune homme, « m’autorisez-vous à lui écrire ?… Puis-je obtenir que vous lui remettiez une lettre avant qu’elle s’en aille ?… »

— « J’y ai pensé, croyez-le, » dit la mère, « et je lui ai demandé ce qu’elle ferait si elle recevait une lettre de vous. — « Je la brûlerais sans la lire, » a-t-elle répondu… »

— « Mon Dieu, » gémit-il en se laissant tomber sur une des chaises de ce salon où il avait été si heureux, « que devenir alors ? Depuis ces douze jours j’ai cruellement souffert, mais je