Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/429

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avait condamnée avec une cruauté si implacable pendant des années et qu’il avait retrouvée juste à temps pour l’entendre crier, du bord de la tombe, vers un peu de justice… Hélas ! Que pouvait-il parvenir de cette justice maintenant à la morte, pour toujours immobile, silencieuse et sourde entre les planches de ce cercueil ? Les lames enveloppaient le bateau qui l’emportait maintenant, de la même plainte douce et profonde que Francis écoutait gémir sous ses pieds. Mais cette plainte n’arrivait pas à la voyageuse qui retournait dormir son sommeil éternel dans le cimetière du pays natal, — pas plus que ne lui arriverait la voix de sa fille quand sa fille l’appellerait, — pas plus que le soupir de celui qui avait été son bourreau, et qui, le front dans sa main, le cœur plein de remords, lui demandait à travers l’espace ce pardon qu’il lui avait tant refusé quand il la croyait perfide. Ah ! Pourquoi l’avait-il retrouvée si tard ? Il avait, lui, à cette suprême rencontre, perdu son bonheur, et elle, qu’avait-il pu lui donner sinon un empoisonnement de ses derniers jours en lui renouvelant dans leur terrible scène tout le martyre d’autrefois ? Certes, elle était morte vengée, puisqu’elle avait pu savoir que le mariage de son ancien amant était rompu d’une rupture irréparable. Mais était-ce de quoi effacer ces neuf ans passés à se dévorer le cœur dans la solitude de sa retraite ? Était-ce de quoi compenser