Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/48

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elle en riant avec une mutinerie de son joli visage ; « nous ne pouvions pas ne pas nous rencontrer… »

— « Si cependant ?… » reprit-il.

— « Je comprends bien que c’est insensé, » répondit-elle avec une bouche redevenue sérieuse et songeuse ; « mais je sais que je ne me serais jamais mariée… »

Ils s’arrêtèrent pour échanger un long regard. Il lut à travers ces beaux yeux bleus jusqu’au fond de cette âme qui était à lui. Dans cette chère âme tout était candeur et vérité. Il n’y avait pas un repli où il ne devinât la plus irréprochable, la plus passionnée des tendresses. Sur ce cœur virginal rien n’avait jamais passé, pas un frisson, pas une ombre. Autour de leur silence les palmes continuaient de palpiter, le vent de murmurer dans les pins, les buissons de roses et les citronnelles d’exhaler un léger parfum vaguement musqué, l’ombre des feuillages de trembler sur les marbres, le cygne d’errer sur l’eau dormante, le soleil de rayonner dans le vaste ciel. Ils étaient si seuls dans ce tournant d’allée, — si loyalement, presque pieusement seuls, avec la présence bénie de la meilleure des mères à côté de leur amour comme pour le sanctifier. Francis attira sa fiancée contre son cœur, et il posa ses lèvres sur ce front qu’aucune pensée mauvaise n’avait jamais traversé, pas même effleuré. Il se sentit alors si heureux,