Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/47

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— « C’est encore vrai, » dit Henriette, « les mêmes, tout à fait les mêmes… Mais je le savais si bien dès le premier jour que je vous ai vu… »

— « Et à quoi ? » demanda-t-il.

— « Est-ce qu’on se rend compte ? » fit la jeune fille. « Mais j’étais sûre, quand je suis venue dans ce jardin pour la première fois, que vous le préféreriez à tous les autres… Je n’ai pas lu beaucoup et je ne suis qu’une ignorante. Je suis certaine que du premier coup je saurais d’un livre si vous l’aimerez… »

— « C’est si pénible, » reprit-il, a lorsque entre deux êtres il n’y a pas cette harmonie, cet intime accord… Au lieu qu’il m’est si doux de penser que vous êtes ma femme, vraiment ma femme, vous comprenez, un cœur fait justement à la ressemblance de mon cœur… »

— « Et vous mon fiancé, » répondit-elle à mi-voix, « mon cher fiancé… »

— « Et pourtant, » continua-t-il, « ce profond accord me rend quelquefois presque triste… À quoi cela tient-il que nous soyons ici ? Je pense que j’ai si bien failli ne pas vous connaître ! Si je n’avais pas quitté ma carrière ? Si en la quittant j’étais venu m’établir en Italie comme j’en avais l’intention ? Si je n’étais pas allé chez Mme de Jardes ce mercredi ? Si nous ne nous étions pas rencontrés ce jour-là ?… »

— « Je n’admets pas tous ces si, » interrompit-