Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/55

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— « Je voudrais bien savoir si c’est celle que je connais…, » dit Francis, et, s’apercevant de ce que cet interrogatoire avait d’étrange, il ajouta pour dérouter par une fausse demande la curiosité d’ailleurs peu vraisemblable de son interlocuteur et obtenir cependant son renseignement : — « C’est une femme âgée et très grande ?… »

— « Âgée, non, monsieur, » reprit l’Allemand. « Trente ou trente-cinq ans peut-être. On ne sait pas. Elle a l’air si malade !… Elle est plutôt petite et mince au contraire… »

— « Allons, » se dit Francis en commençant de monter l’escalier, « il faut avoir le courage de regarder les choses en face. C’est son château, son nom, son prénom, son âge, l’âge de sa fille… C’est elle… » Il se répétait ce nom de Pauline Raffraye en montant les deux étages d’escaliers qui devaient le conduire à sa chambre. En toute circonstance il eût été troublé profondément par l’annonce qu’il se trouvait sous le même toit que cette ancienne maîtresse, — car une ancienne maîtresse possède seule le pouvoir de bouleverser à ce degré un fiancé aussi épris que l’était celui-là. — Mais apprendre cette présence ainsi, presque à la minute où Henriette et lui venaient d’être frappés par cette étrange appréhension d’un malheur inconnu, devait accroître singulièrement ce trouble, d’autant plus que ce nom