Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/57

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son changement de physionomie et d’humeur à une migraine causée par le soleil, lui qui, depuis des jours, vivait avec Henriette cœur à cœur, dans une communion si constante de leurs pensées ! Il lui fallut voir sur ce doux et tendre visage la plus amoureuse inquiétude, et l’impression de malaise que lui donna cette nécessité de mentir jointe à l’anxiété dont il se sentait invinciblement dévoré lui fut si insupportable qu’il dut se retirer dans sa chambre pour toute l’après-midi, sous le prétexte de son indisposition grandissante. Il voulait à tout prix ramasser sa pensée et regarder bien en face les données du problème que lui posait, d’une manière pour lui tragique, cette arrivée soudaine et dont il n’admettait pas une minute qu’elle ne fût point intentionnelle. Mais comment faire cet examen sans évoquer tous les événements, toutes les sensations aussi d’un passé qui contrastait trop cruellement avec celui dont la mère d’Henriette avait caressé dans sa rêverie, quelques heures plus tôt, les délicates et naïves images ? Ah ! Quelle tristesse de sentir l’âcre amertume d’un coupable et mauvais amour que l’on a voulu, que l’on a cru fini, nous inonder à nouveau l’âme à l’instant même où cette âme s’enivrait, jusqu’à l’extase, des joies d’un autre amour, tout lumière et tout espérance !

— « Et cependant, » gémissait Francis, une