Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/70

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en elle la soif, si naturelle à vingt-cinq ans, de mouvement et de plaisirs. Il y a deux manières également vraies pour une femme de porter dans le monde un cher et coupable secret : en être accablée et souffrir de tout ce qui n’est pas lui, en être enivrée et se plaire à tout à cause de la musique intérieure dont on est enchantée. Quoique les hommes se refusent le plus souvent à croire sincère cette seconde sorte d’amour, elle existe, et c’était, pour le malheur de Francis, celle de Pauline. Elle lui était donc venue, à un de leurs rendez-vous, un peu migraineuse d’un bal où elle était restée assez tard la veille.

— « Pourquoi n’es-tu pas rentrée plus tôt ? » lui dit-il, entre deux baisers, sur un ton d’amical reproche.

— « Que veux-tu ? » répondit-elle. « Je me suis laissé entraîner. Et puis, » ajouta-t-elle en flattant de ses doigts les cheveux du jeune homme, « je savais que je te verrais aujourd’hui, et je ne pouvais pas supporter l’attente. Elle me donnait la fièvre, et j’ai dansé, dansé… Tu m’aurais aimée. J’étais si jolie, je sentais que l’on me trouvait si jolie !… »

— « Mais, » reprit-il en déguisant une émotion pénible sous un demi-sourire et avec un air de plaisanterie, « tu n’as pas l’idée que je pourrais être jaloux ?… » Il n’acheva pas. Il venait de la voir en pensée, les épaules nues, — ces épaules