Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/71

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dont, à cette minute même, car ils étaient dans les bras l’un de l’autre, il respirait le parfum intime, dont il caressait la beauté, — et, dans le même éclair de vision, il avait aperçu des regards, des souffles, des désirs d’hommes autour de cette gorge idolâtrée.

— « Jaloux, et de quoi ?… » répondit-elle.

Elle avait, pour poser cette question, des yeux si tendrement effarouchés, une surprise si évidemment sincère, qu’il la serra contre lui presque avec délire, comme pour étouffer dans cette étreinte le funeste démon qu’il venait de sentir passer entre la pauvre femme et son cœur. Quand elle fut partie, ce jour-là, il demeura longtemps le visage enfoncé dans l’oreiller, qui gardait encore la forme imprimée de cette chère tête, l’arome de ses longs et souples cheveux. Il se sentait en proie à une mortelle tristesse. Le démon avait déjà reparu à la minute même de ce départ. N’avait-elle pas regardé l’heure à un moment donné, et ne s’était-elle pas arrachée d’auprès de lui en disant :

— « Je m’oublie et je dois être prête si tôt aujourd’hui ! Nous dînons à sept heures pour aller au théâtre tout de suite après… »

Qu’ils étaient innocents, ces quelques mots ! Pourtant Francis n’oubliait pas comme ils l’avaient laissé, par cette fin d’après-midi et dans le crépuscule,