Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/85

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de quelque intrigue. Ne plus voir telle autre, c’est avoir eu quelque secrète rivalité avec elle. Depuis des siècles et des siècles, la verve des auteurs comiques s’exerce sur les mesquineries infinies des disputes de ce genre. Elle s’exercera des siècles encore sans guérir la rage des jaloux et sans y accoutumer la fierté révoltée des femmes qui leur tiennent tête. Et cependant les prunelles brillent, les lèvres tremblent, la voix se fait mordante, et, après s’être donnés l’un à l’autre avec la fougue de deux amants à qui les heures sont comptées, on se sépare sur des cris de rupture, poussés avec toute la colère de la vengeance. Oui, que de fois s’étaient-ils quittés ainsi, sans même se toucher la main !

— « Croyez ce que vous voudrez, » lui répétait-elle avec les mêmes mots, le même tragique entêtement, le même regard haineux qu’à la première insulte ; « je ne veux plus rien savoir de vous. Vous ne me traiteriez pas autrement si j’étais une fille… »

— « Et moi j’en ai assez de vos mensonges, car vous me mentez, vous me mentez, vous me mentez toujours… »

Elle le regardait sans relever cette nouvelle insulte. Elle répétait : — « Oui, croyez ce que vous voudrez. » Et elle s’en allait, pour le rappeler ou être rappelée presque aussitôt. Ces retours, déshonorants pour elle et pour lui, étaient pourtant