Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/99

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veuve. Elle avait perdu son mari presque subitement, quelques semaines après le départ de Francis. La seule annonce de ce veuvage eût suffi à bouleverser le jeune homme. En continuant ses confidences, son interlocutrice lui apprit qu’au moment de cette mort, Pauline se trouvait enceinte et qu’une fille lui était née. La mère avait failli mourir, elle aussi, puis, à peine rétablie, elle avait quitté Paris, de mauvaises spéculations de feu Raffraye l’ayant à demi ruinée. Elle avait vendu son hôtel, ses voitures, ses chevaux, et déclaré sa volonté de vivre d’une manière définitive dans la terre du Jura où elle avait été élevée. Et la cruelle Parisienne, sans se douter qu’elle enfonçait un couteau dans Francis à la place la plus sensible, — ou bien en savourant la joie de lui faire ce mal, — avait ajouté qu’elle ne croyait guère à cette retraite, pour conclure avec un nouveau sourire :

— « Nous la verrons reparaître un de ces jours, plus coquette que jamais et devenue Mme Vernantes. Il n’en sortait plus les derniers temps, et il passe encore des semaines à Molamboz… »

— « Et dire, » songeait Francis avec une affreuse mélancolie au sortir de cet entretien, « dire que, malgré ce que j’ai vu, j’allais avoir pitié d’elle, lui écrire, sans doute ! m’humilier… Non. Elle ne m’a jamais aimé. Elle a eu pour moi un caprice de sens et d’imagination… Son