Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/98

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que nous croyons cependant, que nous savons infidèle, et nous nous couperions la main plutôt que de recommencer à lui écrire. Et les jours s’ajoutent aux jours, les semaines aux semaines, les mois aux mois, l’irréparable à l’irréparable, sans que nous connaissions plus jamais ce que c’est que la joie, l’abandon à l’heure qui passe, à la sensation présente et vivante. La tapisserie bariolée des villes et des paysages se déroule devant nous sans guérir notre nostalgie pour un angle de salon intime, parmi les fleurs, où se tient notre fantôme. — Si nous pouvions n’y voir que lui ! — Et nous allons, nous allons toujours, multipliant les distances par les distances, rendant plus profonds encore les malentendus, ajoutant la rancune à la rancune, sans que ni ce fatal orgueil ait tué notre amour, ni l’amour notre orgueil, pour revenir, comme revint Francis, plus ulcéré qu’à l’instant du départ et plus désarmé !

Car il était revenu, après quatorze mois de ce vagabondage à la poursuite d’une guérison qu’il n’avait pas trouvée, et aussitôt, une des femmes chez lesquelles il rencontrait autrefois sa maîtresse, cette même Mme de Sermoise qui lui avait percé le cœur dans une lointaine visite, — et il y était retourné, comme un homme ruiné au jeu retourne près de la table du baccara, — lui avait appris d’étranges nouvelles. Mme Raffraye était