Aller au contenu

Page:Bourget - Le Disciple.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
LE DISCIPLE

nir, pour quelqu’un qui m’eût observé, l’occasion de signaler en moi cette frénésie du désir dont je vous parlais. J’avais presque la fièvre quand je m’acheminais vers cette boutique. Ce n’était pas la seule raison qui me fit préférer cette église des Capucins, avec son architecture très simple, aux cryptes souterraines de Notre-Dame-du-Port et aux voûtes de la cathédrale soutenues par de si élégantes colonnes à faisceaux. Chez les Capucins, le chœur était fermé. Durant les offices, d’invisibles bouches chantaient, derrière les grilles, des cantiques qui remuaient étrangement mon imagination d’enfant. Ils me semblaient venir de si loin, comme d’un abime ou d’un tombeau. Je regardais ma mère prier à côté de moi avec l’ardeur contenue qui se manifeste dans ses moindres actions, et je songeais que mon père n’était pas là, qu’il n’entrait jamais à l’église. Ma tête d’enfant se tourmentait de cette absence au point que j’avais un jour demandé :

— « Pourquoi papa ne vient-il pas à la messe avec nous ? »

Avec mes yeux inquisiteurs d’enfant, je n’avais pas eu de peine à démêler l’embarras où ma question jetait ma mère. Elle s’en tira pourtant avec une réponse analogue à des centaines d’autres que m’ont faites depuis ses lèvres de femme essentiellement éprise de principes fixes et d’obéissance :