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LE DISCIPLE

l’éducation paternelle. Cela peut sembler étrange que, demeurés seuls en ce monde, elle et moi, elle si énergique, si dévouée, et moi si jeune, nous n’ayons pas vécu, au moins durant ces années-là, en complète communion du cœur. Il existe, en effet, une psychologie rudimentaire pour laquelle ces mots : mère et fils, sont synonymes d’absolue tendresse, d’entente intime des âmes. Peut-être en va-t-il ainsi dans les familles de tradition ancienne, quoique en nature humaine je ne croie guère à ce qui suppose une simplicité entière des rapports entre personnes d’âge et de sexe différents. En tout cas, les familles modernes présentent sous les étiquettes conventionnelles les plus cruels phénomènes de divorce secret, de mésintelligence foncière, quelquefois de haine, qui se comprennent trop quand on pense à leurs origines. Il se fait depuis cent ans des mélanges de province à province et de race à race qui ont chargé notre sang, à tous, d’hérédités par trop contradictoires. Des gens se trouvent être, nominalement, de même famille, qui n’ont pas un trait commun dans la structure mentale et morale. Par suite l’intimité quotidienne entre ces êtres devient une cause de conflits quotidiens, ou de dissimulation constante. Ma mère et moi, nous en sommes un exemple que je qualifierais d’excellent, si le plaisir de rencontrer la preuve très nette d’une loi psychologique ne s’accompa-