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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/206

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LE DISCIPLE

et compatissante remarquée dans la promenade d’où datait ce que j’appelais sur mon journal mon entrée en laboratoire. Ses yeux me regardaient du même regard quand nous nous trouvions de nouveau tous ensemble, assis dans le salon, au moment du thé, sous la clarté des premières lampes, puis à la table du dîner et encore dans la longue solitude de la soirée, à moins que, sous le prétexte d’un travail à finir, je ne me retirasse dans ma chambre plus tôt que les autres. La monotonie de la vie et des discours était si entière, que rien ne l’aidait à secouer cette impression d’énigme émouvante que je lui infligeais ainsi. Le marquis, en proie aux contrastes presque fous de son caractère, maudissait sa funeste résolution de séjour dans cet isolement. Il annonçait, pour la prochaine éclaircie, un départ qu’il savait impossible. C’eût été trop coûteux maintenant, et d’ailleurs, où aller ? Il calculait ses chances de recevoir la visite d’amis clermontois qui étaient venus déjeuner en effet à plusieurs reprises, mais lorsque les quatre heures de route entre Aydat et la ville n’étaient pas doublées par le mauvais temps. Puis il s’installait à la table de jeu, tandis que la marquise, la gouvernante et la religieuse vaquaient à leurs infinissables ouvrages. J’étais chargé de surveiller Lucien qui feuilletait des livres à gravures ou bien combinait quelque patience. Je m’installais dans une place, choisie de façon qu’en levant les yeux de