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LE DISCIPLE

séances devant les cages des singes et la loge de l’éléphant. Les enfants et les servantes qui le voyaient rire, comme il riait, silencieusement et longuement, aux férocités et aux cynismes des macaques et des ouistitis, ne soupçonnaient guère les misanthropiques pensées que ce spectacle soulevait dans le savant qui comparait en lui-même la comédie humaine à la comédie simiesque, comme il comparait à notre folie habituelle la sagesse de l’animal si noble qui fut le roi du globe avant nous. Vers midi, M. Sixte rentrait, et, de nouveau, il travaillait jusqu’à quatre heures. De quatre à six il recevait, trois fois la semaine, des visiteurs qui étaient presque toujours des étudiants, des maîtres occupés aux mêmes études que lui, des étrangers attirés par une renommée aujourd’hui européenne. Trois autres fois il sortait et faisait les quelques visites indispensables. À six heures il dinait, sortait encore, allant cette fois le long du jardin fermé jusqu’à la gare d’Orléans. À huit heures il rentrait, réglait sa correspondance ou lisait. À dix heures toute lumière s’éteignait chez lui. Cette existence monastique avait son repos hebdomadaire du lundi, le philosophe ayant observé que le dimanche déverse sur la campagne un flot encombrant de promeneurs. Ces jours-là, il partait de grand matin, montait dans un train de banlieue et ne rentrait que le soir. Il ne s’était pas une fois, durant ces quinze