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LE DISCIPLE

cents pages sur l’amour, d’une hardiesse presque plaisante sous la plume d’un homme très chaste, sinon vierge. Mais le même Spinoza n’a-t-il pas donné une théorie de la jalousie qu’aucun romancier moderne n’a égalée en brutalité ? Et Schopenhauer ne rivalise-t-il pas d’esprit avec Chamfort dans ses boutades contre les femmes ? Il est presque inutile d’ajouter que le déterminisme le plus complet circule d’une extrémité à l’autre de ces livres. On doit à M. Sixte quelques phrases qui traduisent avec une extrême énergie cette conviction que tout est nécessaire dans l’âme, même l’illusion que nous sommes libres : « Tout acte,» a-t-il écrit, « n’est qu’une addition. Dire qu’il est libre, c’est dire qu’il y a dans un total plus qu’il n’y a dans les éléments additionnés. Cela est aussi absurde en psychologie qu’en arithmétique. » Et ailleurs : « Si nous connaissions vraiment la position relative de tous les phénomènes qui constituent l’univers actuel, — nous pourrions, dès à présent, calculer avec une certitude égale à celle des astronomes le jour, l’heure, la minute où l’Angleterre par exemple évacuera les Indes, où l’Europe aura brûlé son dernier morceau de houille, où tel criminel, encore à naître, assassinera son père, où tel poème ; encore à concevoir, sera composé. Tout l’avenir tient dans le présent comme toutes les propriétés du triangle tiennent dans sa définition… » Le