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LE DISCIPLE

en essuyant ses larmes, « pour m’acquitter d’une commission dont ce pauvre enfant m’a chargèe. Et voyez si ce n’est pas une nouvelle preuve qu’il est innocent. Dans sa prison, depuis deux mois, il a mis au net un long travail de philosophie. Il y tient, m’a-t-il dit, beaucoup ; c’est son principal ouvrage, et je me suis chargée de vous le remettre. » Elle tendit au savant le rouleau de papier qu’elle tenait sur ses genoux. « Il est tel qu’il me l’a donné… On le laisse écrire là-bas tant qu’il veut, tout le monde l’aime… On me permet de lui parler ailleurs que dans cet affreux parloir, où il y avait toujours le gardien entre nous. Je le vois maintenant dans la chambre des avocats… Mais comment ne pas l’aimer quand on le connaît ? Voulez-vous regarder ? » insista-t-elle ; et d’une voix altérée : « Il ne m’a jamais menti, et je crois que c’est ce qu’il m’a dit… Si pourtant il avait pensé à vous écrire ce qu’il ne veut confier à personne ?… »

— « Je verrai cela tout de suite, » dit Adrien Sixte, qui déplia le rouleau. Il jeta les yeux sur la première page du cahier, et il put y lire les mots : « Psychologie moderne, » puis, sur la seconde feuille, un autre titre : « Mémoire sur moi-même, » et au-dessous étaient les lignes suivantes : « Je prie mon cher maître, M. Adrien Sixte, de se considérer comme engagé parole à garder pour lui seul les pages qui suivent. S’il ne lui convient pas de