Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/102

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nervosité frémissait dans son sourire, la ligne de son corps s’était amincie, comme fondue, et ses prunelles n’avaient plus la transparence gaie d’autrefois. Une pensée se cachait dans leur arrière-fond, qui devait être douloureuse, à en juger par la lassitude dont tout l’être de cette femme paraissait touché. Mme de Méris, elle, avait changé aussi. Elle continuait à ressembler à sa cadette, de cette étonnante ressemblance que Madeleine avait escomptée autrefois quand elle projetait de détourner sur sa sosie le sentiment naissant de son admirateur de Ragatz. La nuance identique de leurs chevelures, la couleur toute pareille de leurs yeux, l’analogie frappante de leurs traits les eussent fait toujours prendre l’une pour l’autre. Seulement l’aînée s’était, depuis cette saison déjà lointaine, animée, éveillée, comme vitalisée. Elle n’avait plus cette moue boudeuse et mécontente de la femme aigrie et qui va vieillir, sans s’intéresser à rien qu’aux rancunes de son amour-propre froissé. Des impressions très fortes et d’une nature bien différente les avaient certainement atteintes l’une et l’autre, dans cet intervalle. Madeleine – la chose était trop visible, quand on la connaissait vraiment, – luttait contre ces impressions, quelles qu’elles fussent. Elle les subissait sans se les permettre, au lieu que sa sœur Agathe s’y abandonnait complaisamment, et avec ivresse. L’une avait l’aspect d’une femme dont le cœur s’est laissé