Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/103

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surprendre par un sentiment qu’elle repousse, l’autre au contraire portait sur elle tout l’orgueil, toute l’audace d’une passion avouée. N’était-elle pas libre de caresser, sans cesser de s’estimer, des espérances que la mère de Charlotte n’aurait pu même concevoir, sans se mépriser ? Il y avait entre elles encore une différence. Dès qu’elle avait commencé à éprouver cette passion, Mme de Méris l’avait déclarée à sa sœur. Elle lui avait d’autant moins épargné ces confidences que l’objet de cet amour, soudain grandi dans le cœur de la jeune veuve, était – on l’a trop compris – précisément celui dont Madeleine lui avait dit : « Je t’ai trouvé ce mari que tu m’as permis de te chercher, » le commandant Brissonnet. Mme Liébaut, au contraire, avait déployé toute son énergie à cacher jusqu’aux plus petits signes du trouble dont elle était possédée. On a compris pourquoi encore. Une très honnête femme, – et elle l’était dans le plein sens de ce beau mot, où se résument les vertus qu’un homme souhaite à sa mère, à sa sœur, à son épouse, à sa fille, à tout ce qu’il aime, à tout ce qu’il respecte, – une très honnête femme se pardonne malaisément ces manquements si involontaires à la fidélité conjugale : les rêves contre lesquels on se débat, – mais comme ils reviennent ! – les nostalgies auxquelles on ne veut pas céder, – mais elles n’en sont pas moins là ! – le frémissement de l’âme dans une certaine présence, la