Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/120

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– « Aucune, en effet, aucune… Tu m’as paru étrange tout à l’heure, alors… »

– « Alors ?… » insista Madeleine.

– « Il n’y a plus d’alors, » répliqua Mme de Méris. « Mais, je t’en supplie, Madeleine, ne continue pas à me dire non. Je te le jure, » et sa voix se fit profonde, « ce serait un mauvais service à me rendre… »

– « Je parlerai à M. Brissonnet, » répondit Madeleine, après un bien court instant d’une suprême lutte, durant lequel elle n’avait pu empêcher que ses paupières ne battissent nerveusement, que sa bouche ne tremblât. Épouvantée devant cette flamme de lucidité soudain allumée dans les prunelles d’Agathe, et devant la menace de ses dernières paroles, elle avait cru que cette immédiate soumission rassurerait une défiance qui portait sa misère au comble. Elle ne se doutait pas qu’elle venait au contraire d’accroître encore, chez celle dont elle était la secrète et involontaire rivale, la sensation d’un mystère. Du moins une interrogation qui, en ce moment, lui eût été trop pénible, lui fut épargnée par un très simple hasard, la venue précisément de cette Mme Éthorel, dont la malveillante remarque, la veille, avait servi de prétexte à la prière d’Agathe. Celle-ci n’eut que le temps de dire à sa sœur, durant les deux minutes qui séparèrent l’entrée du domestique demandant si