Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/139

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s’est fait présenter à tous nos amis. Quand on nous invite, vous et nous, on l’invite. Allons-nous au théâtre, vous et nous ? Il y va… À une exposition ? Il s’y trouve… Cet homme est jeune, il n’est pas marié… Agathe, je vous demande de me répondre avec toute votre loyauté : est-ce à cause de vous que M. le commandant Brissonnet vient dans notre milieu, comme il y vient ? Est-ce à cause de vous… » répéta-t-il. Et sourdement, comme s’il avait eu honte d’avouer la souffrance qu’enveloppait cette simple et angoissante demande : « ou de Madeleine ?… »

Un sursaut involontaire avait secoué la sœur aînée. Pour que son beau-frère en fût arrivé, lui si discret, si réservé, à poser cette question, directement, – répétons le mot, – brutalement, il fallait qu’il eût observé des faits positifs, – quels faits ? – qu’il eût commencé de suivre une trace, – quelle trace ? Une réponse non moins directe, non moins brutale venait aux lèvres de la rivale éprise et jalouse : « Dites tout, François. Vous croyez qu’il peut y avoir un secret entre Madeleine et Brissonnet ? Vous le croyez. Sur quels indices ? Comment ?… » Elle eut l’énergie de se dominer, un peu par cet instinct de franc-maçonnerie du sexe qui veut que, devant l’enquête pressante d’un homme, une femme se sente d’abord solidaire d’une autre femme. Entre sœurs, même qui ne sont pas très intimes, cet instinct est plus fort