Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/148

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Tandis que cet honnête homme se lamentait, mettant à nu, dans ce paroxysme d’agonie, les plaies les plus cachées de son ménage, une telle douleur émanait de son accent, de ses prunelles, et si fière, si pure ; la noblesse de son caractère apparaissait si nettement dans cette absence totale de bas soupçons, que Mme de Méris ne put s’empêcher d’en être touchée.

Cette pitié lui dictait son devoir : une insistance plus grande encore dans ses dénégations de tout à l’heure. Mais cette confirmation des idées qu’elle avait nourries toute l’après-midi avait ébranlé en elle cette corde mauvaise de la jalousie féminine, qui rend si aisément un son de haine, même dans les âmes les plus hautes, et Agathe n’avait pas une âme haute. Ces sentiments contradictoires : la compassion pour la souffrance vraie de son beau-frère, et la colère déjà grondante contre une rivale préférée passèrent dans les phrases qu’elle répondit à cette confidence :

– « Mais êtes-vous sûr que vous n’exagérez rien, mon pauvre François ? Entre un intérêt peut-être un peu vif et une passion, il y a un abîme… Pourquoi n’avez-vous pas dit à Madeleine simplement ce que vous venez de me dire, comme vous venez de me le dire ? Vous le lui deviez… Vous ne doutez pas d’elle. Vous avez si raison ! C’est une honnête femme. Elle le sera