Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/154

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Il avait reculé devant cet affront fait à sa chère femme. – Qu’elle lui était chère, en effet, à travers ses souffrances ! – Il l’avait vue, s’il acceptait cette offre tentatrice, parlant librement, se croyant chez elle, et, derrière la porte, se tapirait cette sœur aînée dont il savait trop qu’elle avait toujours envié sa sœur cadette ! Non. Il ne trahirait pas sa femme de cette trahison-là. Il ne se liguerait pas ainsi contre elle avec sa secrète ennemie. Qu’il employât, lui, pour savoir la vérité, un procédé clandestin, c’était son droit strict. Il se devait à lui-même de ne pas outre-passer ce droit par une complicité qui l’eût par trop avili à ses propres yeux… Mais était-ce même son droit ? Après s’être rangé au conseil de sa belle-sœur, un doute saisît Liébaut et un remords. Il n’avait pas quitté depuis dix minutes Mme de Méris que sa loyauté se révoltait contre un projet qu’il n’eût pas même osé concevoir sans elle. Il lui semblait qu’il venait de traverser un mauvais rêve, que cet entretien avec Agathe n’avait jamais eu lieu. À mesure qu’il approchait de la rue Spontini et de sa propre maison, cette impression se changeait en une autre. Il allait se retrouver en face de Madeleine. Il faudrait qu’il lui dissimulât, non plus des émotions comme il faisait avec tant d’efforts depuis des semaines, mais un projet inavouable, tant il était insultant pour elle, et combien abaissant pour lui ! Il