Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/179

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ton pardon… Sinon, je penserai que tu gardes sur ton cœur une rancune contre moi, qui ne serait que trop justifiée !… J’avais le droit de souffrir des idées qui m’obsédaient. Je ne me les étais pas faites. Elles m’avaient pris et malgré moi… Je n’avais pas le droit d’essayer de les vérifier par cette voie détournée… Quand ta sœur saura que tu as vu cet homme, seule à seul, et cela d’après mon désir formellement exprimé, elle comprendra que changement s’est fait dans mes pensées, et je lui aurai expliqué pourquoi… Quant à retomber sous son influence et dans les troubles dont je suis sorti, n’aie pas peur, ma chère, mon unique amie. Mais je n’ai pas à te rassurer. Tu verras… Et, en attendant, où est ta lettre à M. Briçonnet ? »

– « Sur mon bureau… » répondit Madeleine. Elle eut sur les lèvres une dernière requête : « Attends encore. » Elle ne la formula point. Elle sentit que son mari trouverait l’apaisement à l’orage dont il était secoué dans cette volontaire abdication de ses droits de surveillance les plus légitimes. Et puis, elle était à bout de force. Il lui en fallait cependant pour accomplir ce qu’elle considérait comme son strict devoir : cacher à tout prix le trouble dont la bouleversait la perspective de cette conversation en tête-à-tête avec celui qu’elle aimait – et sur quel sujet ! Il était temps qu’elle retrouvât un peu de solitude, et