Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/63

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Son geste d’escrimeur lui avait rappelé les bretteurs de sa jeunesse et les belles séances de terrain, au sortir de la Maison d’Or et du Café Anglais. Les aventures aujourd’hui oubliées d’aimables compagnons qui furent de charmants causeurs et des gloires de salles d’armes revenaient dans son discours : celles d’Alfonso de Aldama, de Georges Brinquant, de Saucède. Madeleine écoutait d’une oreille distraite ces noms qui ne lui représentaient même pas des fantômes, – et ceux qui les portaient ont été des vivants si vivants ! – À la dérobée, elle étudiait l’officier d’Afrique, retombé à cette habituelle méditation qui semblait le transporter bien loin, là-bas, aux pays du ciel torride, de la forêt primitive et du danger. Ils n’avaient pas fait deux cents pas de la sorte ; soudain et sans que rien eût pu faire prévoir cette résolution, le commandant prit congé avec une telle brusquerie que Favelles lui-même en demeura décontenancé :

– « On vous verra cette après-midi ?… » demanda-t-il. « Mais qui vous presse ?… »

Et comme Brissonnet s’éloignait, après une réponse aussi évasive que brève :

– « Il a de ces accès de sauvagerie, » dit le baron, « qu’il faut lui pardonner. Je ne serais pas étonné que le soleil du Congo lui eût frappé la tête… Soyez indulgente pour lui, madame Madeleine. Il n’a pas causé ce matin… Baste ! vous le reverrez.