Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/85

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villa avec la chance d’y parler à la petite Charlotte ? Chacun de ces riens allait représenter pour ce brave de véritables drames de timidité !

C’était cette timidité, si absolument, si naïvement sincère, qui lui avait, le premier soir, rendu impossible de supporter la présentation à Madeleine, après le petit incident de la gare. Cette même timidité l’avait fait s’échapper presque sauvagement, au cours du premier entretien qui avait suivi la rencontre du lendemain. Il ne s’était pas mépris en imaginant qu’elle l’étoufferait de nouveau à la prochaine occasion, en dépit de la grâce d’accueil déployée par elle dans cette seconde rencontre de la petite rivière, si inattendue pour lui. Ne s’était-il pas laissé aller à y raconter ses exploits de chasse, comme une émule de l’illustre Tartarin, lui le plus muet des hommes, à l’ordinaire, sur ses propres faits et gestes ? Il n’allait pas être plus hardi à la troisième rencontre. Vingt-quatre heures s’étaient passées de nouveau, durant lesquelles il s’était demandé s’il aurait ou non la chance de revoir la jeune femme, d’abord le matin, – et il avait erré dans tout le parc sans que la silhouette, passionnément contemplée la veille, apparût sous les arceaux taillés des grands arbres, – puis l’après-midi, et il s’était approché de la vérandah. – Après le déjeuner Mme Liébaut lui était apparue, comme il le