Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/86

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prévoyait, assise auprès du baron Favelles, et occupée de la plus prosaïque manière dans ce prosaïque décor d’une terrasse d’hôtel de saison. Elle buvait tout simplement une tasse de café, tandis que son vieux cavalier servant dégustait un petit verre de fine champagne en tirant des bouffées de son éternel cigare, en dépit des prescriptions du docteur. Eux aussi, le Vieux Beau et la jeune femme, avaient aperçu l’amoureux qui, brusquement, fit volte-face et s’enfonça dans les allées, non sans que l’ancien fonctionnaire ne soulignât cette soudaine et déconcertante disparition, d’une phrase :

– « Décidément notre tueur de lions est moins apprivoisé que je n’aurais cru, d’après ses façons d’hier… Il vous a vue, et regardez-le se sauver… »

– « Pourquoi croyez-vous qu’il nous a vus ? » demanda Madeleine en rectifiant.

– « Vous ! » répondit Favelles. « Je répète : vous… Raisonnons. Il n’a pu venir de ce côté qu’avec l’idée de me retrouver ; il sait mes habitudes. S’il n’a pas poussé jusqu’ici, c’est qu’il a eu un motif. Lequel ? Votre présence, ma chère amie. Vous l’embarrassez… Songez qu’il a été habitué, des années durant, à ne parler qu’à des dames noires – coloured ladies, comme on dit en Amérique. Ces beaux cheveux blonds et ce joli teint rose le changent un peu trop… »