Aller au contenu

Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’avait poussée, la veille, à s’asseoir à la table du souper auprès de lui. Un instinct de femme lui avait fait d’emblée prendre à ses yeux le rôle qu’elle pensait devoir le séduire le plus. Elle avait été ravie de cette causerie ; puis, rentrée à la maison, elle s’était endormie sur le « c’est impossible, » qui sert de paratonnerre à tous les coups de foudre de ce genre, lorsqu’ils tombent sur des mondaines, plus étroitement garrottées dans leurs corvées de plaisir que les bourgeoises dans leurs corvées de ménage. René était venu, et l’impression qu’il avait faite sur elle la veille s’était reproduite plus forte. Tout lui avait plu du jeune homme, et ce qu’elle en voyait, et ce qu’elle en devinait, sa jolie physionomie et sa jolie âme, ses gaucheries et ses timidités. Elle avait beau se répéter le « c’est impossible, » tout en achevant sa toilette, et piquant sur son corsage nombre de petites épingles d’or à tête de diamant, elle se prenait à capituler avec ce mot : impossible. Elle le discutait, et toutes sortes de plans se développaient dans sa tête de femme pratique, si elle voulait pousser cette aventure. « Le baron est bien fin, » songeait-elle, « il a déjà flairé quelque chose… » Elle se souvint de la violente sortie dirigée par Desforges contre les gens de lettres. Cette sortie l’avait égayée tout à l’heure. Elle l’irritait à présent, et lui donnait