Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/19

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même, et Claude, qui s’était chargé de chaperonner l’auteur, venait le prendre, à l’heure dite, dans l’appartement de la rue Coëtlogon, où René Vincy habitait auprès d’une sœur mariée. Cette extrême complaisance d’un écrivain déjà mûr pour un débutant, n’allait pas sans un mélange d’un peu de vanité et d’ironie. Claude Larcher, qui passait son temps à médire du monde riche et cosmopolite dont était la comtesse Komof, et qui le fréquentait sans interruption, éprouvait un léger chatouillement d’amour-propre à étaler aux yeux de son camarade le détail de ses relations de haute vie. En même temps la naïve stupeur du poète, l’espèce d’ébahissement enfantin où le jetait cette syllabe magique et vide : — le Monde, — divertissait le malicieux moqueur. Il avait déjà joui, comme d’un spectacle doucement comique, de la timidité déployée par Vincy dans la première visite qu’ils avaient faite ensemble chez la comtesse, un des jours de la semaine, après le déjeuner ; et la pensée de la fièvre dans laquelle René devait l’attendre, le faisait sourire, tandis qu’il franchissait les quelques pas nécessaires pour arriver à la porte de la maison où vivait son jeune ami.

— « Et dire que j’ai été aussi puéril que lui, » songea-t-il, en se rappelant qu’il y avait eu, pour lui comme pour René, une première sortie mondaine ;