Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/190

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quand Moraines fut parti, après l’avoir mangée de baisers, « il a pris l’habitude de tout raconter au baron ! … » Et elle entrevoyait que la première personne à instruire Desforges de la présence assidue de René rue Murillo, si elle y attirait le poète, serait Paul lui-même…. « Il est vraiment trop bête… » pensa-t-elle encore, et elle lui en voulait de cette confiance absolue dans le baron, dont elle avait été la principale ouvrière. C’est qu’elle venait d’apercevoir nettement une première contrainte. Cette idée la poursuivit durant toute sa matinée qui fût remplie par des vérifications de comptes, et par la visite de sa manicure, madame Leroux, une personne d’âge mûr, toute confite en dévotion, avec un air béat et discret, qui soignait les mains et les pieds les plus aristocratiques de Paris. D’ordinaire Suzanne, qui considérait avec raison les inférieurs comme la source principale de toutes les anecdotes mondaines, causait longuement avec madame Leroux, en partie pour la ménager, en partie pour savoir d’elle une infinie quantité de petits détails sur les maisons que la digne artiste honorait de ses services. Aussi madame Leroux ne tarissait-elle pas d’éloges sur cette charmante madame Moraines, « et si simple, et si bonne. En voilà une qui adore son mari… » Ce jour-là aucune des flatteries de la manicure ne put arracher