Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/217

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ne vous êtes pas laissé embobiner d’invitations et de visites par toutes ces grimpettes que vous avez rencontrées chez la comtesse. »

— « Je n’ai fait qu’une visite, » répondit René. « Devinez chez qui ? … Chez madame Moraines. » Il était tout ému en prononçant ce nom. Puis, avec l’involontaire élan d’un amoureux qui, venu pour parler de sa maîtresse, recule devant cette conversation et détourne la critique, comme il écarterait avec la main la pointe menaçante d’un fer, il ajouta : « N’est-ce pas qu’elle est adorablement jolie et gracieuse, et avec des idées si élevées ! … Est-ce que vous pensez aussi du mal de celle-là ? … »

— « Bah ! » dit Claude, qui, préoccupé de sa propre souffrance avait écouté René d’une oreille indifférente, « si on cherchait dans son passé ou son présent, on y trouverait bien quelque turpitude. Le crapaud que la princesse des contes de fée laisse tomber de sa bouche, toutes les femmes l’ont dans le cœur. »

— « Alors vous savez quelque chose sur elle ? » interrogea le poète.

— « Moi ! » fit Claude que la voix de son ami étonna par son accent altéré. Il regarda le jeune homme, et il comprit. Lancé comme il était dans le monde parisien, il connaissait depuis longtemps les bruits qui couraient sur les