Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/273

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ainsi ? » se disait-il, et il souhaitait que la lettre se perdît en route. Il calculait qu’un pareil accident se produit quelquefois, alors qu’on désire exactement le contraire. Pourquoi ne se produirait-il pas, alors qu’on le désire ? … Il avait honte d’une telle puérilité d’imagination. Il l’attribuait à l’énervement de sa soirée et il se reprenait à maudire les petitesses d’esprit de madame Offarel. Sa mauvaise humeur contre la mère paralysait par instants toute pitié pour la fille. Il passa la nuit ballotté ainsi entre ces deux sortes de tourments, jusqu’à ce qu’il s’endormît de ce lourd sommeil des quatre heures qui assomme plutôt qu’il ne repose ; et, à son réveil, la première idée qu’il retrouva en lui-même fut sa volonté de rupture qui s’était encore affermie durant ce sommeil.

Quel moyen employer, cependant ? Il y en avait un tout simple : demander à la jeune fille un rendez-vous. C’était si aisé ! Que de fois elle l’avait ainsi prévenu des heures où madame Offarel devait sortir ; et il allait rue de Bagneux, sûr de trouver Rosalie seule à la maison avec Angélique, et cette dernière, par une complicité de sœur analogue à celle d’Émilie, avait bien soin de laisser les deux amoureux causer tranquillement ensemble. Oui, c’était là le moyen le plus loyal. Mais le jeune homme ne se sentit