Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/302

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plus ardentes caresses jusqu’à ce qu’elle lui appartînt complètement, dans une de ces étreintes qui abolissent tout, chez un enfant de vingt-cinq ans, même le pouvoir d’observer si les sensations qu’il éprouve sont partagées. Comment donc René eût-il gardé la force de recueillir en cet instant suprême les indices qui lui auraient dévoilé la comédie jouée par sa maîtresse ? Rien que sa toilette intime eût suffi pourtant à démontrer dans quelle intention elle était arrivée rue Coëtlogon. Elle avait une de ces robes donc la souple étoffe ne redoute pas les froissements, une ceinture au lieu de corset, pas un bijou, pas trace d’un de ces jupons empesés qui peuvent servir d’obstacle, mais de la soie molle et de la batiste ; enfin elle était comme nue dans ses vêtements et prête à l’amour. Mais enlacé à cette créature exquise, s’enivrant, malgré cette toilette, des plus secrètes beautés d’un corps si gracieux, si jeune, si parfumé, dans le silence de cette chambre où les balbutiements et les soupirs de la volupté semblaient presque de grands bruits, le jeune homme ne se demanda pas s’il avait raison ou tort d’adorer cette femme ; ni s’il en était la dupe. Et puis, est-on jamais dupe de goûter le bonheur ?