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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/304

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charme de son roman avait si bien envahi cette âme, prudente d’ordinaire jusqu’à la froideur, qu’elle eut un sourire et un geste de la main pour le poète qui la regardait ainsi partir dans le crépuscule, du fond de cette chambre où elle avait pleinement triomphé, car tous ses calculs s’étaient trouvés justes. Remontée en fiacre à la station du coin de la rue d’Assas, et tandis qu’elle s’acheminait vers le magasin du Bon-Marché où elle avait commandé sa voiture, les détails divers de sa conversation lui revenaient, et, en les repassant, elle s’applaudissait de la manière dont elle les avait conduits. Dès qu’une femme est la maîtresse d’un homme, les débats sur la façon de se retrouver deviennent aussi faciles et aussi délicieux qu’ils étaient auparavant odieux et difficiles. Tout à l’heure c’était un désenchantement, un rappel à la réalité. Après la possession, ces mêmes débats deviennent une preuve d’amour, parce qu’ils enveloppent une promesse de bonheur. Dans le quart d’heure même qui avait suivi leur ardente étreinte, et après la comédie de fausse honte dont s’accompagne, durant ces minutes-là, le retour à la décence, Suzanne avait commencé l’attaque et dit à son amant :

— « Il faut que j’aie de vous une promesse… Si vous voulez que je ne me reproche pas cet