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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/306

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et de la noblesse, l’amie qui aime et qui est aimée dans le mystère, en dehors de ce monde moqueur et qui flétrit les plus saintes religions de l’âme… C’est une si grande faute que j’ai commise, » cette fois elle cacha son visage dans ses jolies mains ; « que ce ne soit pas cette série de bassesses et de vilenies qui m’ont fait tant d’horreur chez les autres… Épargne-les-moi, mon René, si tu m’aimes comme tu me l’as dit… Mais m’aimes-tu vraiment ainsi ? … »

À mesure qu’elle défilait ce coquet rosaire de mensonges, elle avait pu voir le ravissement se peindre sur la physionomie de son romanesque et naïf complice, que cette beauté de sentiment extasiait. Elle remettait à son front l’auréole de madone qu’elle avait déposée pour se laisser aimer… Et, mélangeant de la sorte la ruse à la tendresse, et les calculs du positivisme le plus précis aux finesses de la sensibilité la plus subtile, elle l’avait conduit à accepter, comme seule digne de la poésie de leur amour, la convention suivante. Il prendrait sous un faux nom, et dans un quartier pas très éloigné de la rue Murillo, un petit appartement meublé, pour s’y rencontrer deux fois, ou trois, ou quatre par semaine. Elle lui avait suggéré les Batignolles, mais avec tant d’adresse qu’il pouvait s’imaginer