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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/311

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rire énervé l’écrivain, qui, reconduit par René jusqu’à la grille de la rue où l’attendait son fiacre chargé de ses bagages, éclata en sanglots ; « Ah ! Cette Colette ! … » dit-il. « Vous vous rappelez, quand vous êtes venu rue de Varenne ? … Dieu ! était-elle jolie ce jour-là ! … Elle m’a plaisanté au sujet des femmes… Hé bien ! C’est d’une femme que j’ai la honte d’être jaloux aujourd’hui, d’un monstre avec qui elle s’est liée intimement, en quelques jours, à ne plus la quitter, cette Aline Raymond, une infâme connue comme telle dans tout Paris. Son nom seul me salit la bouche à prononcer. Ah ! cela, non, je n’ai pas pu le supporter, et je m’en vais… Je n’avais pas d’argent, imaginez-vous, j’ai déniché un usurier qui m’a prêté à soixante pour cent. Celui-là, par exemple, je le mettrai dans ma prochaine comédie… Il a trouvé à me servir mieux que le trou-madame d’Harpagon, mieux que le luth de Bologne, mieux que le jeu de l’oie renouvelé des Grecs et fort propre à passer le temps lorsque l’on n’a que faire… Savez-vous ce que j’ai dû acheter et revendre audit usurier, outre l’argent vivant ? … Deux cent cinquante cercueils ! … Vous entendez bien…. Est-ce énorme, cela ? … Enfin, l’usurier, ma vieille parente de province à qui j’ai écrit bassement, mon éditeur, la Revue parisienne à qui j’ai promis de la