Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/312

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copie par traité, signé, s’il vous plaît… j’ai six mille francs ! Ah ! Quand le train va m’emporter, chaque tour de roue me passera sur le cœur, mais je la fuirai ; et, quand elle apprendra que je suis parti, par une lettre que je lui écrirai de Milan, quelle vengeance pour moi ! … » Il se frotta les mains joyeusement, puis hochant la tête : « Ç’a toujours été comme dans la ballade du comte Olaf, de Heine… Vous vous souvenez, quand il parle d’amour à sa fiancée et que le bourreau se tient devant la porte… Il s’est toujours tenu, ce bourreau, à la porte de la chambre où j’aimais Colette… Mais, quand il a pris les jupes et le visage d’une Sapho, non, c’était à en mourir ! … Adieu, René, vous ne me reverrez que guéri… »

Et, depuis lors, aucune nouvelle de cet ami malheureux auquel René pensait surtout pour comparer la femme qu’il idolâtrait et qui était si digne de son culte, à la dangereuse, à la féroce actrice. L’absence de Claude lui était une raison pour ne plus jamais reparaître au foyer du Théâtre-Français. Pourquoi se serait-il exposé à recevoir les bordées d’outrages dont Colette couvrait sans nul doute son amant fugitif, lorsqu’elle en parlait ? Grâce à cette même absence, tout lien était rompu aussi entre le poète et le monde où Larcher l’avait patronné. Sous l’influence de sa passion naissante pour Suzanne, l’auteur du Sigisbée