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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/322

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deux portes sur le palier lui permit d’attribuer à ces trois pièces une entrée particulière. Le mobilier presque élégant qu’elle y disposa lui venait du plus funèbre héritage. Elle avait été, pendant dix années de sa vie, la maîtresse d’un fou, payée par la famille qui n’avait pas voulu que cette folie fût déclarée. À la mort du malheureux, Malvina avait touché vingt mille francs, promis à l’avance, et gardé tout ce qui garnissait la maison, théâtre de son étrange métier. Le sinistre et hideux dessous de cette existence ne devait jamais être connu de René. Mais dans ce vaste Paris, si propice aux intrigues clandestines, combien parmi les beaux jeunes gens qui vont à un rendez-vous dans un endroit pareil, se rendent compte de l’histoire de la personne qui leur fournit un asile d’amour tout préparé ! Le poète ne se doutait guère non plus qu’au premier coup d’œil, cette personne aux attitudes irréprochables, avait vu clair dans ses intentions. Il s’était donné comme habitant Versailles et obligé de venir à Paris deux ou trois fois la semaine. Par enfantillage, il avait choisi comme nom d’emprunt celui du héros de roman qui l’avait séduit le plus dans sa jeunesse, le paradoxal d’Albert de Mademoiselle de Maupin. Tout en écrivant ce nom au bas du petit billet d’engagement que madame Raulet lui fit signer, il avait posé sur la